lundi 13 février 2012

"L'art français de la guerre", d'Alexis Jenni.

Voici notre prix Goncourt 2011 : un premier roman, un pavé de 630 pages qui parle de la guerre et publié dans la "blanche" de Gallimard, qui plus est. On a l'impression d'être revenu cinq ans en arrière, avec "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell. Tout semble réuni pour que je me régale : j'aime, à de rares exceptions, les livres qui obtiennent le prix Goncourt, j'aime les romans un peu trapus, j'aime le prestige de la collection, le titre me parait annonciateur de quelque chose qui a de la gueule, et en plus, c'est un auteur lyonnais... C'est donc le premier roman d'Alexis Jenni, né à Lyon en 1963. Professeur de sciences et vie de la terre, il enseigne dans un prestigieux établissement lyonnais au coeur du quartier d'Ainay.


"L'art français de la guerre" est un roman à la première personne qui se déroule en 1991, pendant les préparatifs de la guerre du Golfe. Le narrateur, on ne connait pas son nom, et donc, nous l’appellerons... le narrateur. Il vit dans Lyon dans un petit appartement presque vide. Il est en voie de marginalisation. Il a perdu petit à petit son travail , sa compagne et tous ses biens et veut s'essayer à la peinture. Il fait la connaissance un jour de Victorien Salagnon en découvrant ses peintures à l'encre que celui-ci essaie de vendre sur un marché. Le narrateur demande à Salagnon de lui apprendre la peinture. Une étrange relation va alors s'établir entre eux. Salagnon, ancien para ayant fait l'Indochine et l'Algérie, arrive aujourd'huià l'âge ou il a envie de raconter sa vie. Mais il est incapable de mettre en forme sa pensée. Le narrateur, qui a des facilité à écrire, va alors, en échange de cours de peinture, faire la biographie de Victorien Salagnon.

Le roman va donc alterner des scène de la vie contemporaine des deux personnages (en 1991, donc), et la biographie de Salagnon. Et l'on découvre donc Victorien Salagnon à plusieurs époques de sa vie. Depuis son adolescence sous l'Occupation pendant laquelle Salagnon va partir dans le maquis, en passant par la guerre d'indochine pour finir pendant la guerre d'Algérie. Tout cela entrecoupée par le récit en 1991 des rencontres du narrateur avec Salagnon au cours desquelles apparait souvent un certain Mariani, une sorte de beauf très nationaliste pour qui Salagnon garde toutefois une amitié solide depuis la guerre d'Indochine.



Première chose sur ce roman qui saute au yeux : il est excessivement bien écrit. La France est un pays de lettres : alors que quasiment tous les écrivains américains sont professeur de littérature, en France, un professeur de biologie peut écrire de façon aussi merveilleuse. Alexis Jenni a du talent, une facilité avec la langue, de la poésie dans sa prose.

Deuxième chose : c'est long. Beaucoup trop long. Et croyez-moi, j'adore les romans très épais. Mais je trouve un déséquilibre très marqué entre le fond et la forme. Autant la partie biographie de Salagnon du roman est plutôt intéressante et encore une fois magnifiquement racontée, autant la partie actuelle du roman est beaucoup trop longue, inintéressante, pompeuse. Par moment, la prose de Jenni tourne à la grandiloquence et frise le ridicule.

Je n'oublie certes pas qu'il s'agit d'un premier roman. Peut-être qu'un écrivain plus aguerri aurait fait des coupes franches. La forme du roman est originale avec la partie narration et la partie biographie de Salagnon. Mais il s'éparpille trop entre le récit (dans la partie narration), des avis sur la politique, la vie privée du narrateur (avec une scène assez ridicule dans un supermarché), des commentaires récurrents sur les forces de l'ordre, des séries de cinq ou six paragraphes commençant par la même phrase pour bien insister sur des idées....

Alors pour moi, c'est un peu du gâchis. L'idée du roman était bonne, le style est parfait mais le développement est raté. Il aurait vraiment fallu faire quelques coupes franches pour épurer tout ça. Encore une fois, je trouve qu'un auteur français "s'écoute" un peu trop écrire. Dommage ! Mais le talent est bien là. Je suivrai les prochains écrits d'Alexis Jenni.


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