samedi 10 mai 2008

Fugazi, Marillion

Consécutivement à la sortie de "Script For a Jester's Tear" en mars 1983, le groupe est tout de suite reparti en tournée. Marillion commence à se forger une solide réputation sur scène. Les sept années de Marillion sous l'ère Fish sont sept années de tournées entrecoupées de courtes périodes d'écriture et d'enregistrements. Suite à la tournée au Royaume-Uni, le torchon brule entre Mick Pointer et le reste de la troupe. Des tensions irrémédiables apparaissent. Mick Pointer est débarqué malgré que ce ne soit pas vraiment le meilleur moment pour le faire. Le groupe se met immédiatement et dans l'urgence à la recherche d'un batteur car la tournée américaine arrive à grands pas. D'autre part, Marillion veut déjà commencer les sessions d'écriture du second album.

Andy Ward, ex-batteur de Camel est embauché, sans réelle audition, grâce à sa renommée. Après quelques jours d'écriture en juin au Pays de Galles avec le reste de la formation, Andy Ward fera même une apparition dans un clip de Marillion : "Garden Party" qui est tourné à ce moment-là pour la promotion de l'album " Script For a Jester's tear". Marillion part ensuite en tournée aux états-Unis. Après quelques semaines, le groupe se rend tout de suite à l'évidence : Andy supporte très mal la vie en tournée et tombe dans une sérieuse dépression et dans l'abus d'alcool. Le groupe est obligé d'annuler une série de concerts, Andy étant dans l'incapacité de jouer.


Marillion rentre à Londres et recherche en urgence un nouveau batteur. Le prochain sur la liste sera John Martyr. Le groupe repart aux États-Unis. Mais le style de John Martyr ne convainc pas. Pendant que le groupe est à New York, un jeune batteur de 19 ans vient les voir à leur hôtel. Il a appris par Nick Tauber, leur producteur que Marillion recherchait un batteur. Il s'appelle Johnathan Mover. Le groupe organise en vitesse une série d'audition et hésite entre Johnathan et un batteur nommé Ian Mosley. Johnathan a le gros avantage de connaitre par cœur tout les morceaux de Marillion et est donc engagé.

Après le retour au Pays de Galle pour avancer dans l'écriture de l'album, un différend très fort oppose rapidement Fish et Johnathan. Fish pose un ultimatum : "c'est lui ou moi". Heureusement, John Arnison, le manager du groupe a précieusement gardé les coordonnées de Ian Mosley, le batteur précédemment recalé. Echaudé, le groupe décide de le prendre uniquement pour quelques sessions dans un premier temps, mais il deviendra rapidement un membre à part entière au vu de la qualité de son jeu, de son entente avec les autres membres et son implication dans l'écriture.

Avec tout cela, Marillion a perdu pas mal de temps, d'autant que les relations du groupe avec Nick Tauber se dégradent. Marillion a pris du retard et les studios qui avaient été réservés pour l'enregistrement de sessions ne servent qu'à moitié. Marillion se remet donc à écrire. Fish a énormément avancé pour les paroles. Le groupe compose "Incubus" et "Fugazi" en deux jours. Comme a chaque fois que Marillion se réunit pour composer, l'inspiration et l'émulation sont au rendez-vous. EMI, la maison de disque remplace Nick Tauber par Tony Platt qui a notamment collaboré avec Iron Maiden.


Pour le groupe, après une courte pause pour les fêtes de Noël, les sessions d'écriture et d'enregistrements s'enchainent. Les membres de Marillion travaillent chaque jour de midi à 4-5 heures du matin. Le groupe commence à travailler dans l'urgence car il va devoir bientôt repartir en tournée. Certaines situations sont assez cocasses : pour gagner du temps, Fish, Ian et Pete enregistrent leur sessions à Maison Rouge Studios pendant que Steve et Mark enregistrent simultanément les leurs à Abbey Road Studios !

Chose incroyable : les membres de Marillion n'entendront le résultat définitif de l'album que pendant qu'il seront en tournée de promotion de celui-ci. En janvier 1984 sort le single "Punch and Judy" ( nom d'un show télévisé mettant en scène un couple de poupées ), choix étrange et apparemment peu vendeur : "Punch and Judy" a pour sujet la paranoïa de Fish dès qu'il s'agit de s'engager dans un relation de longue durée et sa vision de la vie maritale selon laquelle elle finit obligatoirement par l'un des conjoints qui fait reposer tous les échecs de sa vie sur la faute de l'autre. On est loin des paroles de boys-bands.

L'album sort en mars 1984 et est un succès. Il atteindra la cinquième place des meilleures ventes d'albums en Angleterre. Le groupe repartira pour presque deux ans de tournée mondiale à la suite de la sortie de "Fugazi" dont l'album live "Real To Reel" sera le témoin. Le line-up définitif de Marillion lors de la sortie de « Fugazi » est le suivant :

Fish (Derek William Dick) : textes et chant
Steve Rothery : guitares
Pete Trewavas : basse
Mark Kelly : claviers
Ian Mosley : batterie
Les titres présents sur l'album sont en 1984 :

1."Assassing" - 7:02
2."Punch & Judy" - 3:21
3."Jigsaw" - 6:49
4."Emerald Lies" - 5:08
5."She Chameleon" - 6:52
6."Incubus" - 8:30
7."Fugazi" - 8:12

A noter que, comme pour chaque album de Marillion, une version remasterisée a été faite en 1998. Ceci revêt un intérêt particulier pour cet album car tous les membres du groupe ont été déçus, lors de la sortie de l'album en 1984, de la qualité de la production. Cette version rematerisée contient un cd bonus comprenant :

1."Cinderella Search" (12" version) - 5:31
2."Assassing" (Alternate Mix) - 7:40
3."Three Boats Down From The Candy" (Alternative Version) - 4:00
4."Punch & Judy" (Demo) - 3:50
5."She Chameleon" (Demo) - 6:34
6."Emerald Lies" (Demo) - 5:32
7."Incubus" (Demo) - 8:09

Le nom de l'album, "Fugazi" a été donné par Fish et est une vielle expression d'argot utilisée lors de la guerre du Viet Nam et signifiant "Fucked Up, Get Ambushed, Zipped In" ( Grosso modo : Ca a foiré, on s'est fait chopé, on est enfermé ). Ce titre s'applique particulièrement bien à l'album dont le sujet récurrent est le couple ou plutôt ses difficultés, le divorce, les relations de conflit, de soumission, de traitrise, les jeux et les secrets dans un couple.

La pochette de l'album est, bien sûr, très travaillée et réalisée par Mark Wilkinson. La pochette montre une star shootée dans une chambre d'hôtel détruite. Avec toujours les symboles chers à Fish et à Marillion : le caméléon, le bouffon, le clown... La pochette représente les abus qui guettent les chanteurs lorsqu'il sont en tournée, loin de leurs racines. On retrouve sur la pochette, comme sur "Script for a jester's tear", des pochettes d'albums : "Punch and Judy" de Marillion ; "The Wall" de Pink Floyd ; "Fool's Mate" de Peter Hammill ; "Over" de Peter Hammill. A noter également que les tableaux au mur sont des reproductions de toiles peintes par la femme de Mark Wilkinson.

Musicalement, l'album est incontestablement plus rock et plus écorché que le précédent et plus sombre encore. Ce qui fera classer Marillion ( à cause de leurs pochettes d'albums également ) par beaucoup de disquaires et à tord dans le rayon Hard-rock, ainsi que par quelques chroniqueurs empreints d'amateurisme. Le style ne s' éloigne cependant pas trop de "Script for a Jester's Tear". On sent la parenté entre les deux et cela est certainement du au fait qu'ils sont sortis avec peu d'écart ( un an ). On retrouve de longs morceaux de 7-8 minutes dans lesquels plusieurs mélodies, plusieurs rythmes, plusieurs ambiances se succèdent, la marque de Marillion. Seul "Jigzaw" possède une structure presque traditionnelle couplet-refrain-couplet-refrain. La musique est comme toujours très planante. L'ambiance est tour à tour noire, malsaine, triste, rageuse, violente. Steve Rothery nous sert d'excellents moments avec sa guitare. Ian Mosley se révèle à la hauteur de Mick pointer à la batterie. Pete trewavas et Mark Kelly sont tout deux excellents. Mark Kelly est à la fête car les synthés sont très présents sur cet album.

La voix de Fish est toujours aussi énivrante : douce et mélodieuse par moment, rugueuse et violente à d'autres. Une voie unique, inimitable. Les textes de Fish sont quand à eux toujours aussi magnifiques. Une écriture riche, une écriture toute en image et en symboles. Très ésotériques, ils demandent un niveau d'anglais élevé pour pouvoir les traduire. Un album un peu plus facile d'accès que le premier, certainement. Les deux albums suivants marqueront une légère coupure avec "Script For a Jester's tear" et "Fugazi".

Aucun commentaire: