Il y a pratiquement vingt ans (euh ! En fait un peu plus de vingt ans...), alors que j'étais en quatrième au collège, j'ai rencontré un pote avec un casque de walkman sur les oreilles. Je lui demande ce qu'il écoutais. Il m'a répondu : "je ne peux pas t'expliquer. Tiens, écoute !". C'était "Pseudo Silk Kimono", le premier morceau de l'album "Misplaced Childhood" de Marillion. Je suis toujours aussi dingue de ce groupe 20 ans (ça va, ça va ! on arrondit, c'est plus simple) après et je remercie le ciel que ce pote m'aie fait écouter ça (Jean-Louis M., si tu me lis...). Je ne sais même pas comment j'aurais pu découvrir ce groupe magique tant ils étaient peu médiatisés en France.
Je dis "étaient" car je considère que la formation a disparu musicalement pour moi en 1988 quand Fish, le chanteur et leader charismatique de Marillion, a décidé de quitter le groupe. Marillion existe toujours aujourd'hui mais produit une musique plus pop et qui n'a plus grand chose à voir avec Marillion sous l'ère Fish. A l'époque, le groupe était composé ainsi :
Fish (Derek William Dick) : textes et chant
Steve Rothery : guitares
Pete Trewavas : basse
Mark Kelly : claviers
Ian Mosley : batterie
Les titres de l'album :
"Pseudo Silk Kimono" - 2:14
"Kayleigh" - 4:03
"Lavender" - 2:25
"Bitter Suite" - 7:56
"Heart Of Lothian" - 4:02
"Waterhole (Expresso Bongo)" - 2:13
"Lords Of The Backstage" - 1:52
"Blind Curve" - 9:29
"Childhoods End?" - 4:33
"White Feather" - 2:25
En 1998, une version remarsterisée de l'album est sortie avec un deuxième CD contenant les démos suivantes :
"Lady Nina" (Extended 12" Version) - 5:50
"Freaks" (Single version) - 4:08
"Kayleigh" (Alternative Mix) - 4:03
"Lavender Blue" (Lavender Remix) - 4:22
"Heart of Lothian" (Extended Mix) - 5:54
"Pseudo Silk Kimono" (Demo) - 2:11
"Kayleigh" (Demo) - 4:06
"Lavender" (Demo) - 2:37
"Bitter Suite" (Demo) - 2:54
"Lords of the Backstage" (Demo) - 1:46
"Blue Angel" (Demo) - 1:46
"Misplaced Rendez-vous" (Demo) - 1:56
"Heart of Lothian" (Demo) - 3:49
"Waterhole (Expresso Bongo)" (Demo) - 2:00
"Passing Strangers" (Demo) - 9:17
"Childhoods End?" (Demo) - 2:23
"White Feather" (Demo) - 2:18
"Misplaced Childhood" est le troisième album studio du groupe après "Script for a jester's tear" et "Fugazi ". Il est sorti en avril 1985 et a fini de consacrer le groupe sur le plan international, notamment avec des titres comme "Lavender Blue " et surtout "Kayleigh", le plus gros succès commercial du groupe à ce jour, qui figure souvent dans les compilations sur le rock britannique. L'album a été classé premier des ventes en Angleterre.
"Misplaced Childhood" est un concept album. C'est une sorte de pièce en 2 actes, une plage de 40 minutes et une succession de chansons d'une quasi-perfection liées les unes aux autres et ayant pour thème l'enfance ou plutôt, l'enfance perdue, l'amour et l'incapacité de Fish de maintenir une relation amoureuse de longue durée.
Le sujet et le principe de cet album, c'est bien entendu Fish qui en a eu l'idée. Fin 1984, les membres du groupe rentrent chez eux après deux grandes tournées européennes successives : "Fugazi Tour" et "Real To Reel Tour" . La relation que Fish entretenait depuis pas mal de temps avec sa petite amie, Kay, n'a pas survécue aux longues absences que lui imposaient la tournée, les besoins de la promo des albums précédents et le succès grandissant du groupe. Fish, après des mois de tournée, se retrouve alors seul dans la maison qu'il venait de s'acheter à Aylesbury. Il se met à fréquenter de plus en plus les pubs, sombre peu à peu dans l'abus d'alcool, collectionnant les cuites et les compagnes d'un soir. Un soir ou il était allé un peu trop loin en consommant de la drogue que lui avait donné une ancienne petite amie, il appelle Steve Rothery qui le ramène et l'enferme chez lui et le met dans une baignoire d'eau glacée. Fish a un mauvais trip qui lui sert de leçon.
By Hisham_hm
Il se met à écrire et, en une nuit, il établit la trame principale de ce qui deviendra "Misplaced Childhood". Il veut en faire un concept album et a déjà pratiquement écrit "Kayleigh" ( une déformation de Kay Lee, les prénoms de son amour perdu ). Steve Rothery et l'ensemble du groupe sont emballés par le projet. L'écriture de l'album est certainement une des périodes les plus calmes entre les membres de Marillion. Cela se ressent à l'écoute. Ils composent l'album en très peu de temps, Fish écrivant seul des paroles une nouvelle fois très touchantes et parfois ésotériques, en poète écossais qu'il pourrait être. Il ne leur reste plus qu'à enregistrer.
Un bon nombre de producteurs se refusent de les produire car malgré le succès grandissant de Marillion, le format du concept-album leur fait tous un peu peur. On notera déjà à cette époque le caractère courageux des producteurs et des maisons de disques. Certains leur disent même qu'il vont perdre de l'argent car pour eux, il n'y a pas un titre qui fera un single convenable pour le format radio. Les membres du groupe savent déjà eux que " Kayleigh" sera leur single.
Il vont trouver leur producteur en la personne de Chris Kimsey. Chris Kimsey est réfugié dans un paradis fiscal et ne peut pas rentrer en Angleterre pour des raisons fiscales. Le groupe part donc en Allemagne pour enregistrer "Misplaced Childhood", à Hansa Studios. L'album est une succession de chansons plutôt douces ( l'album précédent avait une connotation plus rock et plus noire ) alternées avec des moments de rage. L'arrivée de Ian Mosley l'année précédente est une vraie réussite. Steve Rothery fait planer sa guitare comme jamais. Fish considère qu'il n'y a qu'une chanson sur l'album et, en concert, se refusant à retirer une chanson plus qu'une autre, il jouera souvent l'album entier.
Il est très difficile de parler en général de perfection et en particulier concernant la musique, mais vraiment cet album ne ressemble vraiment à aucun autre. Très musical, très planant mais sans se perdre dans des echappées lyriques comme sur les deux précédents albums de Marillion, il n'a pas pris une ride. La voix du chanteur Fish est toujours aussi particulière : capable de chanter des chansons douces et surtout de montrer une rage extrème à certains moment. Je n'ai jamais entendu depuis un chanteur avec une voix pareil et également un accent pareil. Fish est écossais et son accent est indescriptible, avec ses "r" roulés.
C'est l'album de la maturité pour Marillion qui enchaînera d'ailleurs avec un deuxième album concept deux ans plus tard : "Clutching at Straws". Ce qui confirme bien que Marillion (Fish Era of course ) n'a jamais cherché la facilité sur plan commercial : des morceaux de 2 minutes ou moins et des morceaux de plus de 8 minutes, on peut trouver mieux quand on cherche à passer à la radio !
Au niveau visuel, la pochette de l'album est réalisée comme d'habitude par Mark Wilkinson sous la direction de Fish. C'est la troisième fois en trois albums que Mark s'occupe de la pochette, sous la houlette artistique de Fish. Pour la petite histoire, l'écriture de l'album "Misplaced Childhood" a été tellement rapide que Mark Wilkinson n'a pas eu le temps de terminer son travail. Sur le dos de la pochette, là ou son notés le nom des morceaux devait figurer la vue aérienne d'une ville. On retrouve sur cette pochette l'univers de Marillion avec le jester ( le bouffon : représentant la difficulté de Fish à se montrer en public , à assumer sa prétendue difficulté à trouver l'inspiration et qui l'aide alors qu'il est timide à se transcender pour devenir une véritable bête de scène. Fish se grime à cette époque systématiquement lors des concert ) qui quitte la scène par une fenêtre pour laisser sa place à l'enfant.
Cet album est beaucoup plus facile d'accès que les 2 précédents et même que le suivant. Beaucoup ( ce n'est pas mon cas ) considèrent "Misplaced Childhood" comme le meilleur album de Marillion et même comme leur chef-d'oeuvre.
Depuis des années, j'essaie de faire découvrir ce groupe à des amis et beaucoup se sont mis à écouter Marillion en boucle. Je vous conseille fortement d'aller écouter quelques morceaux. Le site officiel de Marillion ou la Fnac proposent d'écouter des extraits. N'hésitez pas, même s'il est presque impossible de se faire une idée vraiment bonne en écoutant des bouts de chansons seulement. Chez Marillion, l'unité d'écoute c'est l'album, pas une chanson. Je n'ai jamais connu depuis Marillion un autre groupe qui m'aie procuré autant de plaisirs, loin s'en faut.
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